Enfin, mes enfants sont scolarisés !
Frédiane Nyandwi, veuve et mère de 6 enfants vivait dans la pauvreté absolue avant qu’elle ne fasse connaissance, en 2014, avec l’association "ODBM".
Financée par le Fonds pour l’Environnement Mondial Programme des Micro financements (FEM/PMF) et le PNUD, l’association a pour mission de sauvegarder la faune et la flore de la réserve naturelle de Kigwena, en province Rumonge, menacée par la population environnante, à 80 km au sud de Bujumbura.
Dans ce contexte, les deux partenaires ont développé le « Projet intégré pour la restauration des ressources naturelles de la réserve naturelle de la Kigwena» avec pour principale ambition la sensibilisation de la population sur sa responsabilité dans la protection de la forêt. Des mesures concrètes sont proposées aux riverains de la réserve dont la lutte contre l’érosion par le traçage de courbes de niveaux, la préparation de pépinières moyennant rémunération pour restaurer la réserve et planter des arbres dans leurs propriétés pour disposer du bois de chauffe et d’œuvre. S’ajoutent à cette liste d’actions, la fabrication de foyers améliorés en vue de réduire d’un tiers la consommation du bois de cuisson et l’apiculture comme solution alternative au pillage de la réserve et activité génératrice de revenus.
Madame Frediane trouve une aubaine dans ce projet. Elle se montre très active, se fait élire vice-présidente de l’ODBM Kigwena composée de 300 membres (majoritairement des femmes), prend le lead dans la fabrication de foyers améliorés et devient vite la spécialiste de la région en la matière. L’argent tiré des pépinières et de la production de foyers améliorés qu’elle vend la fait oublier, dans un laps de temps, son passé récent de prolétaire pour faire vivre ses enfants, surtout que la terre de son mari a été spolié. Elle parvient à garder, à l’école, ses enfants souvent renvoyés faute de payer les frais scolaires.
« Je suis très fière d’avoir participé à la sauvegarde de la réserve et d’y avoir, en contrepartie, trouvé une solution pour la vie de ma famille. J’étais désespérée, je n’avais jamais pensé que je vivrais décemment comme aujourd’hui, je remercie Dieu qui a orienté le FEM/PMF le PNUD chez nous », déclare Frediane.
Aujourd’hui, je peux dire : « Enfin, mes enfants sont scolarisés ». En fait souligne Frediane, ma grande hantise était de voir mes enfants abandonner les études, devenir comme moi et vivre malheureux. Et d’ajouter, hier mes enfants manquaient l’uniforme scolaire. Avec des souliers déchirés, ils étaient la risée de tout le monde. Aujourd’hui, ils ont deux ou trois pairs d’uniformes qu’ils changent, leurs frais scolaires sont payés à temps. Ils sont propres et en bonne santé parce que nous mangeons bien et nous avons une assurance maladie. Nous n’achetons plus les médicaments de la rue comme avant. Nous consultons le médecin et achetons les médicaments sur ordonnance. Lorsque nous pratiquions l’automédication, nous n’étions pas en bonne santé, les médicaments achetés étaient parfois avariés ou ne répondaient pas à la maladie faute de diagnostic fait par un spécialiste à l’avance. D’ailleurs, comme je gagne de plus en plus de moyens, je projette envoyer mes enfants à l’étranger pour qu’ils deviennent de grands fonctionnaires et occupent les fonctions que je n’ai pas pu occuper. « J’ai confiance que j’y arriverai», parle courageusement Frediane.
Au passage, elle donne le récit sur comment elle a transformé sa vie. Tout a commencé avec l’arrivée du projet. J’ai gagné un peu d’argent qui m’a permis de vivre mieux. L’argent tiré de l’élevage des abeilles m’a permis d’acheter une chèvre et comme les chèvres se reproduisent vite, en les vendant, je pouvais couvrir les besoins élémentaires de la famille. Ensemble, avec l’argent acquis grâce à la vente des foyers améliorés, j’ai entamé mon procès pour récupérer la propriété foncière spoliée étant donné que je disposais de moyens pour déplacer les témoins. Aujourd’hui, je l’ai récupérée, le spoliateur qui jurait que moi pauvre femme, je ne pourrai jamais rentrer dans mes droits, n’hésite pas à dire que je suis « la terrible femme qui ne se laisse pas marcher dessus ».
En 2018, le ciel a davantage éclairé mon sentier. Non loin de mon village, à Mayengo, le gouvernement y a installé un site de déplacés. Afin de diminuer la consommation du bois, on a fait recours à mon expertise pour apprendre la fabrication de foyers améliorés aux locataires dudit site, moyennant paiement de 40.000 FBU par jour sur une durée de deux mois. La formation finie, arrive alors le temps de confection de foyers améliorés pour les 174 ménages y résidant. Cela a également pris deux mois avec 20.000 FBU de rémunération par jour. Je touchais comme un grand fonctionnaire.
Cet argent m’a beaucoup servi pour augmenter le capital de mon commerce de poisson et de vin de banane qui me permet de bien vivre. J’ai acheté de bons matelas et de jolis draps, oubliant d’un coup la natte sur laquelle nous dormions avant. J’ai aussi de belles récoltes parce que j’ai du fumier avec l’élevage de chèvres et le compostage fait à partir des déchets de bananes utilisées pour la fabrication du vin. Hier prolétaire, aujourd’hui leader d’une association de plus de 1000 personnes, je suis très fière car nous avons aussi promu une caisse d’épargne et de crédit qui peut m’aider à embrasser d’autres projets et rembourser sans problème.