Atelier sous-régional de renforcement des capacités des Institutions Nationales des Droits de l’Homme (INDH) sur l’analyse des risques, l'alerte précoce, et la prévention - Le Discours du Coordonnateur Résident a.i. du SNU, M. Abdou Dieng
Monsieur le Président de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme du Burundi;
Mesdames et Messieurs les Présidents et Représentants des institutions nationales des droits de l’homme des pays d’Afrique Centrale ;
Mesdames et Messieurs les Commissaires de la CNIDH ;
Chers collègues du système des Nations Unies ;
Distingués Délégués, Mesdames et Messieurs ;
Amahoro !
C’est pour moi une fierté de vous souhaiter la bienvenue en terre burundaise, « Pays de Lait et de Miel », dans la pittoresque ville de Bujumbura située aux abords du majestueux Lac Tanganyika. Vous y découvrirez le plaisir inégalé de déguster le Mukeke, un poisson unique au monde et un trésor local.
Merci d’avoir fait le choix bienveillant de tenir cette rencontre sous-régionale à Bujumbura, un choix inspiré par la confiance bien méritée en l’institution sœur du Burundi. Je voudrais saluer le courage de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme du Burundi d’avoir accepté cette responsabilité et déployé les ressources et les compétences nécessaires à sa réussite, ce dont les autorités burundaises et le pays tout entier vous témoigneront leur reconnaissance.
Comme vous le savez, le système des Nations Unies ne lésine pas sur les moyens lorsqu’il s’agit de servir une cause noble comme celle qui vous réunit en ce jour. Par une conjugaison ingénieuse d’efforts, d’expertises et de moyens depuis Yaoundé, Libreville et Bujumbura, mes collègues – dont certains sont ici présents – ont su donner le meilleur d’eux-mêmes pour vous offrir de bonnes conditions de participation et une session de qualité.
Je ne saurais jamais assez souligner la criticité de votre travail dans des conditions souvent difficiles quand il s’agit de sonner l’alerte face aux signes à peine visibles de menaces, et pourtant réelles sur la paix, la sécurité et la survie même de vos pays d’affectation. Le présent atelier de renforcement des capacités trouve justement son sens dans cette intelligence d’anticipation, alors que les risques de crise sont prévalents dans la sous-région d’Afrique Centrale déchirée de manière endémique par les conflits violents, la criminalité interne et transnationale, le terrorisme, les effets dévastateurs des pandémies, les changements anticonstitutionnels de gouvernements, les affres imposées aux populations par des gouvernants insensibles, les causes multidimensionnelles de la pauvreté, etc.
La problématique lancinante de comment sortir de ce cycle infernal nous préoccupe tous.
Mesdames, Messieurs,
Nul ne doute de ce que la jouissance effective et le libre exercice des droits de l’homme sont la panacée contre les fléaux sociétaux et la condition de l’épanouissement des peuples. Dans bien des cas, les Etats ont échoué à assumer leurs responsabilités, soit par volonté active d’asseoir des régimes opprimants, soit du fait de leurs incapacités à assouvir les aspirations légitimes des peuples. Dans ces conditions, il peut être prétentieux voire exagéré d’exiger des institutions nationales des droits de l’homme, qui ne sont que les émanations de ces Etats, de jouer le rôle de sauvetage face à l’abîme des incertitudes politiques et sociales qui gangrènent notre sous-région.
Et pourtant, la place des INDH dans l’entreprise d’analyse des risques, d'alerte précoce, et de prévention est au cœur de leur mandat premier de promotion et de protection des droits de l’homme. Il convient même d’affirmer que les INDH doivent s’imposer comme des actrices centrales. Cette équation est résumée avec pertinence dans cette déclaration historique de Kofi Annan, ancien Secrétaire général de l’ONU : « Il n’y a pas de sécurité sans développement, il n’y a pas de développement sans sécurité, et il ne peut y avoir ni sécurité, ni développement si les droits de l’Homme ne sont pas respectés. ».
En leur qualité de mécanismes centraux des droits de l’homme, les INDH sont bien placées pour assurer la prévention des crises en utilisant les outils qui font partie de l’arsenal classique à leur disposition, en l’occurrence la collecte des données et leur analyse, l’identification des facteurs de risque à la paix, la sécurité et au respect des droits de l’homme, la définition et la mise en œuvre des actions en réponse aux défis.
Avec des variances certaines, il ne fait de doute que chacune de vos instituions dispose d’une pratique dans ce domaine. Quel qu’en soit votre niveau d’expérience, cet atelier vous offre une occasion unique de renforcer vos capacités, et surtout d’acquérir des moyens de systématisation de vos actions d’analyse des risques, d'alerte précoce, et de prévention. Car disons-le clairement, à moins que vous en fassiez une priorité, les INDH manqueront de pertinence dans un contexte de précarité politique et sociale où la survenance de crises ne laisse pas de place à votre travail ordinaire de promotion et de protection des droits de l’homme.
Quel sera l’avenir des INDH lorsqu’elles ignorent de s’engager en amont en prévention des situations qui finissent par compromettre leur travail, et même les faire disparaître purement et simplement, tels un coup de force politique, des émeutes sociales ou l’effondrement total des structures de l’Etat ?
Je peux bien comprendre les inquiétudes bien fondées de celles et ceux d’entre vous qui opèrent dans un contexte accablant de restriction de l’espace civique et démocratique. Vous vous posez la question compréhensible de comment prendre le risque de vous investir dans l’alerte précoce et la prévention sans vous exposer aux représailles. Je n’ignore pas les dangers auxquels sont exposés beaucoup d’INDH dans des contextes sensibles où la prévention et la protection des droits de l’homme peuvent toucher à des enjeux politiques majeurs.
Soyez rassurés que vos préoccupations seront prises en compte dans les stratégies d’alerte précoce et de prévention que vous aurez à identifier. L’Unité alerte précoce et réponse rapide du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en Afrique centrale a précisément le mandat d’accompagner les acteurs de tous les pays de la sous-région dans cette mission capitale. L'objectif ultime est de permettre aux INDH de jouer leur rôle de sentinelles des droits de l'homme tout en préservant leur intégrité institutionnelle et la sécurité de leurs membres. Notre démarche doit être globale et adaptée, assurant que les INDH restent des piliers incontournables de la démocratie et des droits humains, même dans les contextes les plus périlleux.
Je vous encourage à explorer les meilleures voies de considérer l’alerte précoce comme une partie intégrante du mandat des institutions nationales des droits de l’homme afin de faciliter le partage d’information entre ces institutions et les autres parties prenantes au niveau sous-régional, dont les mécanismes des Nations Unies et le Mécanisme d’alerte rapide de l’Afrique centrale – MARAC – de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale.
A cet égard, la formation est conçue de manière à vous fournir les compétences nécessaires pour affronter ces défis avec plus d'efficacité. Vous serez appelés à vous pencher sur des méthodes novatrices pour surveiller et évaluer les risques, et pour développer une capacité de réponse rapide aux crises naissantes. Plus spécifiquement, cet atelier sera l’occasion pour vous de prendre des engagements en faveur de la mise en place des unités d’alerte précoce au sein de vos institutions où elles n’existent pas encore, ceci, dans le cadre de l’Initiative Droits Humains 75 lancée par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme pour célébrer les 75 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme. La célébration de cet anniversaire symbolique mais combien stratégique durant toute l’année culminera avec l’événement de haut niveau des 11 et 12 décembre à Genève auquel certains d’entre vous ont été conviés.
Mesdames, Messieurs,
Je ne saurais terminer sans exprimer ma gratitude aux autorités burundaises pour leur disponibilité à la coopération et les conditions favorables à la réalisation du mandat des Nations Unies au Burundi.
Mes remerciements s’adressent également à l’ensemble du système des Nations Unies dans la sous-région et particulièrement au Centre régional pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale, et au Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale – UNOCA pour leur investissement dans l’effectivité des droits de l’homme afin de consolider la paix, la stabilité et le développement durable pour les peuples.
Je vous souhaite plein succès pour vos travaux et vous remercie de votre attention.