Aider les rapatriés burundais à se construire un avenir plus prospère et stable
Le HCR, le PNUD, l'OIM et leurs partenaires du JRRRP ont besoin de soutien pour que les réfugiés burundais se réintègrent durablement dans leurs communautés.
(Tura, mars 2022) - Poussant son précieux vélo sur les sentiers fissurés de la colline Tura , dans la province de Muyinga, Anicet rayonne de fierté devant un décor vert et rouge vibrant de plantations de bananes abondantes et de huttes en terre.
Il retrace l'histoire de sa réintégration, de sa vie de réfugié en Tanzanie à son retour au Burundi - un voyage soutenu par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), le gouvernement du Burundi et leurs partenaires.
"Pendant l'instabilité politique de 2015, parallèlement à l'insécurité physique, il y avait une pénurie de nourriture [dans la communauté], alors ma famille et moi avons quitté le Burundi pour chercher la sécurité et quelque chose à manger", dit-il.
Fuyant le conflit et l'instabilité socio-économique qui en découle, Anicet a rapidement expérimenté la dureté de la vie de réfugié.
Sans terre à lui, pendant trois ans, le fier agriculteur a vécu dans des conditions difficiles tout en travaillant dans les fermes des autres pour survivre. Finalement, en 2018, la nouvelle d'un environnement plus paisible dans son pays a poussé ce père de trois enfants et sa femme à revenir - cette fois en tant que rapatriés, dans leur Burundi natal.
"J'étais tellement heureux de revenir dans mon pays natal", dit-il, “ [même si] les moyens de subsistance d'un rapatrié ne sont pas toujours faciles."
La famille a bénéficié du programme de retour volontaire assisté du HCR. Le HCR aide les rapatriés comme Anicet en assurant le transport jusqu’à leur commune de retour, en leur fournissant trois mois de rations alimentaires - fournies par le Programme alimentaire mondial (PAM) - des articles ménagers, comprenant des seaux, du savon, des matelas, des couvertures, des moustiquaires, des bâches en plastique et des ustensiles de cuisine, ainsi qu'une allocation en espèces de 150 dollars US par adulte et 75 dollars US par enfant.
Néanmoins, sans terre ni source de revenus, Anicet, comme des dizaines de milliers d'autres personnes rapatriées, a dû faire face au défi de la réintégration dans sa communauté.
"Avec un peu d'argent que j'ai obtenu d'un mécanisme de microfinance communautaire, j'ai essayé d'ouvrir un commerce de poissons, mais cela a échoué", dit-il. Le temps passant et les conditions de vie ne s'améliorant pas, Anicet, lassé, a recommencé à envisager la vie de réfugié.
Les rapatriés et leurs communautés d'origine, qui ne disposent souvent pas d’infrastructures sociales et économiques nécessaires pour soutenir les retours, ont besoin d'un soutien plus important. Les difficultés de réintégration rencontrées englobent l'accès limité aux documents d'état civil, à la terre et au logement, à l’éducation, aux soins de santé ainsi qu'aux moyens de subsistance. Les communautés des zones de retour, qui comptent parmi les plus pauvres du pays, sont confrontées aux mêmes difficultés.
Odette Nibitanga, mère de trois enfants, nourrit sa famille en vendant des tomates et des oignons au marché de Kayogoro. La jeune femme de 27 ans gagne environ 500 francs burundais par jour (~ 0,25 dollar). Elle a utilisé l'allocation en espèces que lui a accordée le HCR à son retour pour remettre sa famille sur pied, mais l'argent s'est rapidement épuisé.
"Je n'ai pas les moyens de construire une maison. Nous avons besoin de plus de soutien", dit-elle désespérément.
Soutenir la réintégration à long terme
Les réfugiés qui retournent dans leur pays d'origine le font souvent en courant des risques élevés et sans perspective de revenu stable - un élément clé du processus de réintégration. Par conséquent, le retour dans des communautés où les ressources sont déjà rares peut causer une pression et créer des tensions avec la population locale, ce qui peut conduire à des conflits sociaux entre les rapatriés et leurs communautés de retour.
Même si le paquet retour fourni par le HCR et le PAM couvre à peine les besoins des trois premiers mois d'un rapatrié, il génère parfois des tensions entre les rapatriés et les communautés de retour, qui, en plus de craindre une compétition croissante pour les ressources limitées, l’emploi et les services sociaux/publics, se sentent parfois négligés par la communauté humanitaire et développent des griefs. Cette situation menace la cohésion sociale, augmentant le ressentiment parfois dirigé contre les rapatriés.
Avec une stabilité accrue au Burundi, le HCR prévoit que les retours vont augmenter, avec 70 000 réfugiés burundais attendus pour 2022. A défaut d’investissements significatifs dans les activités de réintégration ne sont pas réalisés, le retour volontaire, au lieu d'être une solution durable, pourrait susciter des tensions intercommunautaires et conduire à des déplacements secondaires. C'est pourquoi le HCR, l'OIM et d'autres partenaires humanitaires et de développement unissent leurs efforts à ceux du gouvernement du Burundi pour lever des fonds et renforcer la durabilité de la réintégration, tout en favorisant le développement local. L'OIM y parvient en organisant des dialogues communautaires, en mettant en œuvre des Projets à Impact Rapide (QIP) et en organisant des activités de cohésion sociale.
Pendant les sessions de dialogues communautaires, l'OIM réunit les rapatriés, les membres de la communauté de retour et les personnes déplacées internes (PDI) pour discuter et décider d'une infrastructure critique qu'ils aimeraient construire : Les QIPs.
Les QIP sont conçus pour amortir le double choc de l'instabilité et de la pauvreté, tout en offrant aux bénéficiaires l'espoir d'une vie décente à long terme. Ils servent également à réduire le risque de conflit social, en offrant des opportunités aux communautés.
Alva Fredman Klockar, chef de projet au sein du département de transition et de rétablissement de l'OIM, affirme que des liens sociaux plus forts en découlent. "Lorsque les rapatriés, les déplacés internes et les membres de la communauté de retour se réunissent pour décider des infrastructures publiques à réhabiliter, cela renforce les liens sociaux entre les différents groupes, leur donne l'occasion de gagner un revenu et contribue au bien commun de la communauté."
Anicet a bénéficié de l'un de ces QIPs. Comme des milliers d'autres avant lui, il a bénéficié du système "Argent contre travail" qui constitue l'épine dorsale des QIP – qui consiste à rémunérer les travaux communautaires. Anicet a utilisé les fonds du programme "Argent contre travail" pour investir dans le bétail, puis a relancé son commerce de poissons.
"Après avoir acheté mon bétail, j'ai travaillé très dur, en allant tous les jours à la rivière pour acheter du poisson et mon capital a commencé à augmenter. Avec l'argent que j'ai gagné, j'ai ensuite acheté un vélo. Cela m'a permis de ramener encore plus de poissons [à vendre] de la rivière ", dit-il.
Avec les fonds qu'il a gagnés grâce à l'OIM et le paquet retour fourni par le HCR et le PAM, ce père déterminé a décidé de rester au Burundi plutôt que de retourner une fois de plus en exil. Cependant, en raison principalement d'un manque de financement, tous les rapatriés ne reçoivent pas le soutien dont ils ont besoin pour réaliser une réintégration socio-économique durable.
Préparer l'avenir
Le HCR estime que quelque 300 000 réfugiés burundais sont toujours en exil. Nombre d'entre eux envisagent de rentrer chez eux, incités par un climat de plus en plus stable. 190 000 réfugiés burundais sont rentrés chez eux au cours de la période allant de septembre 2017 à Mars 2021. Parmi eux, pour la seule année 2021, plus de 65 000 sont rentrés dans le cadre du programme de rapatriement facilité par le HCR, mené en étroite coordination avec le gouvernement du Burundi et de multiples partenaires.
La question qui demeure est la suivante : comment les provinces à fort retour peuvent-elles accueillir les citoyens qui souhaitent rentrer chez eux sans exercer une pression excessive sur un système socioéconomique déjà fragile ?
Michel Ndururutse, membre de l'administration locale de Tura, pense que les QIPs font partie de la solution. "La population est très contente du travail effectué par l'OIM. Cela crée un changement durable car les gens bénéficient des effets à long terme de ces projets", dit-il.
Belise, une rapatriée de Tanzanie de 21 ans, partage ce point de vue : "Avec l'argent que j'ai gagné en construisant les deux salles de classe de notre communauté, j'ai pu acheter du bétail qui a contribué à stabiliser la vie de ma famille. De plus, je suis très fière d'avoir participé à la construction de l'école", déclare-t-elle.
Belise explique que grâce à son implication dans le projet de construction de l'école, sa famille est connectée à ses voisins. Bientôt, ajoute-t-elle, sa fille de quatre ans ira à l'école dans les mêmes salles de classe qu'elle a aidé à construire.
Le programme de réintégration de l'OIM ne cherche pas seulement à promouvoir la cohésion entre communautés dans les zones de retour, mais il vise à fournir aux communautés les moyens de façonner leur avenir pour qu'il soit plus prospère et plus stable.
Poussant son vélo à travers le village, Anicet déclare : " tout ce que j'ai maintenant, je le dois au soutien que j'ai reçu. Avant cela, j'étais prêt à retourner en Tanzanie. Cette aide m'a permis de rester".
L'histoire d'Anicet est un exemple éclatant d'une réintégration réussie, néanmoins, les besoins restent importants et les ressources sont rares.
"Conjointement avec nos partenaires des Nations Unies et du développement, le HCR, l'OIM et d'autres acteurs humanitaires font de leur mieux pour aider les rapatriés à mieux s'intégrer dans leur communauté, mais le travail est énorme et les défis sont nombreux ! Ils ne peuvent être réintégrés avec succès que grâce aux efforts conjoints et à l'étroite collaboration du gouvernement du Burundi ainsi que de tous les acteurs humanitaires et du développement, couplés à un engagement fort et à un soutien significatif de la communauté des donateurs", a déclaré Abdul Karim Ghoul, le Représentant du HCR au Burundi.
Le plan conjoint de réponse au rapatriement et à la réintégration (JRRRP) - un processus dirigé par le gouvernement qui guide le rapatriement - nécessitait 104 millions de dollars US et n'a été financé qu'à hauteur de 21 % en 2021. Les agences des Nations Unies et les ONG impliquées dans le JRRRP ont donc eu des difficultés à fournir une réponse globale.
Le HCR, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l'OIM et les autres partenaires du JRRRP ont besoin de plus de soutien de la part des donateurs et des parties prenantes pour s'assurer que les réfugiés burundais sont en mesure de se réintégrer durablement au sein de leurs communautés. Faute de quoi, les rapatriés n'auront d'autre choix que de se déplacer à nouveau.