Remarques du Secrétaire général de l’ONU devant la presse suite à son entretien avec le Président du Burundi, Evariste Ndayishimiye
Bujumbura, le 5 mai 2023
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Je suis heureux d’entreprendre cette première visite au Burundi en tant que Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies – après avoir eu l’honneur de visiter votre beau pays dans le cadre de mes fonctions précédentes de Haut-Commissaire aux réfugiés et je l’ai fait plusieurs fois.
Je tiens tout d’abord à remercier Son Excellence Monsieur le Président Evariste Ndayishimiye et le peuple Burundais pour leur accueil chaleureux et l’hospitalité qui m’ont été réservés.
Je me réjouis de constater les progrès réalisés par le Burundi, notamment dans le cadre de ses relations avec les pays de la région.
Je salue également les projets entrepris par les autorités burundaises afin de réformer la gouvernance, améliorer la situation économique et accélérer le développement durable du pays.
Bien entendu, beaucoup reste à faire et nous devons faire en sorte que les efforts de développement durable et de redressement économique tiennent compte des besoins des populations les plus vulnérables.
J’exhorte les pays donateurs et tous les membres de la communauté internationale à apporter leur soutien aux autorités burundaises afin de les appuyer dans cette entreprise.
Je tiens aussi à saluer le rôle positif du Burundi dans la région – et en particulier les efforts entrepris par Son Excellence, en sa qualité de Président en exercice de la Communauté de l’Afrique de l’Est.
Bien sûr, nous sommes aujourd’hui ici afin de prendre part au Onzième sommet du Mécanisme régional de suivi de l’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région.
A cette occasion, je voudrais saluer les efforts déployés par les pays signataires et les institutions garantes au cours de ces dix dernières années pour mettre en œuvre leurs engagements au titre de l’Accord-cadre.
Des progrès importants ont été réalisés en termes de coopération et d’intégration économique régionales.
Pourtant, la crise actuelle souligne la nécessité de redoubler d’efforts pour mettre en œuvre, de façon intégrale, les engagements de l’Accord-cadre.
Cela implique des moyens techniques, financiers et humains.
Mais surtout, cela exige une volonté politique collective pour mettre en œuvre l’esprit et la lettre de l’Accord-cadre :
Afin de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité ;
De briser le cercle vicieux des conflits dans la région ;
Et de mettre un terme au calvaire des populations, qui n’ont que trop souffert, notamment en République démocratique du Congo.
Je renouvelle mon appel à la désescalade, à l’apaisement et à la retenue.
Les groupes armés, quels qu’ils soient – locaux comme étrangers, doivent déposer les armes en RDC.
Les efforts inlassables des dirigeants de la région – notamment dans le cadre des processus de paix de Luanda et de Nairobi – ont permis de contenir une escalade des tensions et de créer les conditions d’un dialogue entre les parties prenantes.
Je salue ces efforts – et le Burundi a joué un rôle essentiel – efforts qui illustrent tout le potentiel d’initiatives africaines en matière de paix et de prévention des conflits.
Ces processus – menés par et pour les africains – doivent être renforcés et soutenus par toute la communauté internationale.
Chacun doit mettre en œuvre les engagements pris dans le cadre de ces deux processus complémentaires ;
Chacun doit en finir avec les discours de haine et œuvrer pour rétablir la confiance ; Et s’abstenir de toute action susceptible de saper les progrès réalisés pour la paix en RDC.
Les Nations Unies, à travers notamment le Bureau de l’Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs et la MONUSCO, continueront à soutenir les initiatives de paix régionales, y compris les mécanismes établis dans le cadre des processus de Nairobi et de Luanda.
Tous les partenaires internationaux doivent en faire de même, contribuer à renforcer l’appui technique et financier et ainsi œuvrer pour la paix et la stabilité en RDC et dans la région.
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Permettez-moi enfin, de dire quelques mots sur la situation au Soudan, qui devient chaque jour plus préoccupante.
Les combats se poursuivent avec intensité et la situation sécuritaire ne cesse de se détériorer.
C’est une tragédie pour le peuple soudanais – et une menace supplémentaire pour la sécurité au Sahel et en Afrique de l'Est.
Plus de 100 000 personnes ont fui – et 800 000 personnes pourraient quitter le pays dans les jours et les semaines à venir.
Le pays est confronté à une catastrophe humanitaire.
Des millions de Soudanais sont pris au piège des affrontements et font face à une insécurité alimentaire croissante.
Les combats doivent cesser immédiatement, avant que ce conflit ne se transforme en une guerre civile qui pourrait detruire le pays et bouleverser la région pour les années à venir.
Toutes les parties doivent désamorcer les tensions, venir à la table des négociations et convenir d'un cessez-le-feu stable et durable.
Chacun doit faire passer les intérêts du peuple soudanais en premier.
Le retour à la paix et à un régime civil sont indispensables, et ces objectifs sont au cœur de nos échanges avec les parties au conflit.
Et pour cela, nous travaillons main dans la main avec l'Union africaine et l'Autorité intergouvernementale pour le développement dans la sous-région, et je suis personnellement engagé en ce sens.
Dans l'intervalle, l’ONU continue à agir pour soutenir le peuple soudanais, sous la direction de mon représentant spécial, Volker Perthes.
Mon chef des opérations humanitaires, Martin Griffiths, se trouvait hier encore au Soudan afin de s’assurer que l'aide puisse continuer d'affluer, même en l’absence d’un cessez-le-feu.
Un accès humanitaire sûr et sans entrave doit être garanti, afin que l’aide puisse être immédiatement distribuée aux personnes dans le besoin.
Les populations et les infrastructures civiles doivent être protégées et le personnel humanitaire doit être respecté.
J'appelle la communauté internationale à soutenir le peuple soudanais dans sa quête de paix et de retour à la transition démocratique.
Mesdames et Messieurs,
Sur tous ces sujets, soyez assurés de notre engagement inlassable pour la paix et le développement durable avec notre profonde solidarité avec le Burundi, son gouvernement et son peuple, dans les efforts admirables que le Burundi fait pour son développement et le renforcement de sa démocratie et le rôle que le Burundi joue en RDC, en même temps que nous sommes complètement à la disposition des institutions africaines – Union africaine et organisations sous-régionales- pour appuyer tous les processus de paix en Afrique.
Modérateur : Première question pour Apollinaire. Allez-y.
Question : Merci beaucoup. Monsieur le Secrétaire général, vous venez de vous entretenir avec le Président burundais et c’est à la veille d’un sommet. Est-ce qu'on peut connaître les échanges et quels sont les propos tenus?
Secrétaire général : Nous avons eu un entretien extrêmement intéressant. On a pu discuter les efforts que le Burundi mène dans la consolidation de sa réconciliation, de sa démocratie et de son développement. Et nous avons discuté les besoins auxquels la communauté internationale doit répondre par un appui financier bien plus fort et durable pour garantir les conditions du démarrage du développement économique de beaucoup de secteurs au Burundi. Et je tiens à exprimer toute notre solidarité avec les efforts du gouvernement et du peuple burundais.
On a aussi, naturellement, discuté la contribution généreuse du Burundi en matière d'opérations de maintien de la paix. Les soldats burundais ont démontré un courage, une générosité et un engagement absolument admirables, et nous sommes fiers d'avoir des soldats burundais dans le cadre des opérations de paix des Nations unies et aussi de l'Union africaine.
En même temps, on a naturellement discuté la situation dans la région. Je dois dire que le Burundi joue aujourd'hui un rôle au Sud-Kivu et même au Nord-Kivu qui est un rôle admirable. On voit les soldats burundais travailler main dans la main avec ses confrères congolais pour garantir les conditions de réconciliation entre les différents groupes ethniques et garantir un chemin pour la paix, en même temps que le président de la République joue un rôle essentiel de médiateur que nous appuyons fortement dans le contexte des efforts régionaux, des processus de Nairobi et de Luanda. Et demain, on aura l'occasion d'exprimer une fois de plus toute notre solidarité et notre appui.
Et finalement, on a discuté toutes les formes de coopération entre le Burundi et les nations unies et j'ai pu garantir au président de la république tout mon engagement personnel pour mobiliser la communauté internationale pour appuyer ce pays admirable sur le chemin de la démocratie et du développement.
Modérateur : Madame, derrière, allez-y.
Question : Monsieur le Secrétaire général de l’ONU, est-ce que vous pouvez me dire comment la MONUSCO collabore avec la force régionale de l’EAC (Communauté de l’Afrique de l’Est) ? N'est-il pas [inaudible] La force régionale ne représente-t-elle pas en quelque sorte l’échec de la MONUSCO? Aussi, il y a eu des manifestations contre la MONUSCO. Quel est votre plan pour satisfaire le peuple congolais ?
Secrétaire général : Il y a deux missions qui sont complémentaires et je crois qu’il y a une coopération entre la MONUSCO et la force régionale, et aussi entre les deux et les forces armées de la République démocratique du Congo qui est essentielle et qui doit être approfondie.
Je dois dire que nous sommes en train d'étudier des mécanismes qui puissent permettre à la MONUSCO d’augmenter son appui à la force régionale et on présentera au Conseil de sécurité des propositions qui puissent garantir un appui plus efficace de la MONUSCO à la force régionale.
Nous avons exactement les mêmes objectifs et la force régionale a un rôle particulier. C'est une force des pays qui connaissent le mieux les Congolais, qui ont un contact direct avec les Congolais. Si vous regardez le travail extraordinaire que les soldats burundais sont en train de faire au Sud-Kivu, c'est un travail irremplaçable. Alors ce sont deux engagements complémentaires et je dois dire, de notre point de vue, il y a une coopération très importante et entre les deux forces.
Question : Depuis la signature de l’Accord-cadre il y a dix ans, l’insécurité perdure en RDC, qu'est-ce qui n'a pas marché ? Qu'est-ce qui manque pour que la situation [inaudible] en RDC ?
Secrétaire général : Nous sommes face à une situation qui est très complexe. Nous sommes face à des conflits qui ont une origine lointaine entre communautés et qui, quelques fois par par des manipulations extérieures, ont eu des difficultés accrues de vivre ensemble. Ça a généré le développement d'un grand nombre de forces de milice, de forces armées, qui jouent un rôle déstabilisateur énorme. Après, il y a le terrorisme, le terrorisme qui a une origine internationale -l’ADF qui commet des actions absolument horribles et, plus récemment, les attaques du M23 - l'offensive du M23 qui a conduit au déplacement d'un grand nombre de personnes et qui a causé naturellement une souffrance énorme au peuple congolais.
Alors, il y a toute une complexité de situation et je crois que la solution est en vue. Et la solution passe par la concrétisation de tous les engagements faits dans le cadre des processus de Luanda et des processus de Nairobi, y compris naturellement le retrait des forces vers ses positions d'origine et le cantonnement des forces du M23, pour permettre que les problèmes puissent avoir une solution de ce point de vue, mais, en même temps, que tous les autres groupes armés puissent rendre les armes et puisse comprendre qu’il n'y a pas de solution violente pour les problèmes de la région, et qu'il faut que les communautés aient une réconciliation et que les groupes armés cessent [leur] existence et [leurs] exactions.
Question : Qu’est-ce qui n’a pas marché, concrètement ?
Secrétaire général : Les accords sont en marche. Ça va lentement, mais je suis optimiste que le processus de Nairobi et le processus de Luanda vont aboutir à une solution qui soit une solution adéquate aux besoins du peuple congolais.
Naturellement que la complexité de la situation a fait que les choses marchent lentement, mais les choses marchent dans la bonne direction. Je crois que si on compare la situation d'aujourd'hui avec la situation d'il y a 2 ou 3 mois, il y a un progrès qu’on ne peut pas nier.
My meeting with the President of Burundi was an extremely important and constructive meeting. I had the opportunity to express my admiration for the remarkable progress that Burundi has managed in relation to the reconciliation, in relation to democratic governance, and in relation to the economic progress of the country.
I have assured the President of Burundi of the strong support of the United Nations and of our commitment to do everything possible to mobilize a much stronger support of the international community that Burundi needs and fully deserves.
At the same time I had the occastion to express my admiration for the efforts that the President and the Burundian government are doing in relation to the solution of the problems in the DRC. The presence of Burundian forces in the East African force in DRC has shown an enormous efficiency and a very positive contribution to reconciliation and hopefully to the peace. And Burundi is today a pillar of regional cooperation and a pillar of dialogue for peace and security in the region.
On the other hand, we also discussed how the United Nations system can better support the government and the people of Burundi in their remarkable efforts for economic and political progress and for the well-being of the population.
Merci.