Femmes victimes de violences basées sur le genre: « Humura nous apaise ! »
À 19 ans, Marie-Chantal décide de vivre quelque temps en concubinage avec un homme de son village avant de légaliser leur union. Mais ce mariage est un échec.
Giheta, province Gitega - À 19 ans, Marie-Chantal de Kiremera, décide de vivre quelques temps en concubinage avec un homme de son village avant de légaliser leur union. Mais ce mariage s’est révélé être un douloureux échec. « Il aura été un cauchemar. J’étais une femme entrepreneuse et je gagnais de l’argent sur les chantiers comme peintre. Je tenais aussi un petit restaurant. Mais mon mari se contentait de dilapider l’argent gagné à la sueur de mon front. Quand je lui proposais un projet pour l’avenir de nos enfants, il n’avait qu’une seule réponse, donne-moi cet argent, le tout accompagné de gifles, coups de poing, ou même de coups massue jusqu’à tomber dans le coma ».
Pour sécuriser sa vie et son argent, Marie-Chantal décide d’acheter des lopins de terre en y associant sa belle-mère. « Au bout de deux ans et demi, pour me prendre tout l’argent, elle a commencé à m’accuser d’adultère avec notre employé ». Les bashingantahe, les notables, à qui Marie-Chantal s’est alors confiée, ont pourtant donné raison à sa belle-mère, « et quand mon mari est rentré, après une longue absence, Il m’a encore frappée. Six ans après, j’ai encore des douleurs partout dans le corps ». Chassée du domicile conjugal, Marie-Chantal trouve refuge dans les bananeraies. C’est là que des journalistes de la radio « Ijwi ry’Umukenyezi » (la Voix de la femme de Giheta) l’ont retrouvée et sortie de là.
Conduite au centre « Humura » (Sois apaisé), Marie-Chantal y bénéficie d’un suivi psychologique et médical qui lui permet d’aller mieux et de surmonter ses idées de suicide. Après quelques jours, le Centre lui donne des ustensiles de cuisine, des couvertures et des habits pour elle et ses enfants. Marie-Chantal est d’abord retournée chez ses parents avant de regagner le domicile conjugal. Ayant retrouvé la vie et le sourire, elle a décidé d’aider d’autres victimes de violences en les orientant vers Humura. « Je suis devenue conseillère et point focal pour Humura. Beaucoup de victimes, surtout de violences physiques qui hésitaient encore à se confier au centre à cause des barrières culturelles, ont constaté qu’il n’est pas bon de se taire quand on a une telle douleur et qu’il faut briser le silence ».
Marie-Chantal représente également l’association de savonnerie « Girubwenge n’inguvu » (Ayez l’intelligence et la force) qui regroupe 16 femmes de la colline Kiremera. L’association est financée grâce au soutien du PNUD et de son projet « Promouvoir la bonne gouvernance, l’état de droit et la consolidation de la paix » qui vise la réinsertion socio-économique et le réconfort de femmes ayant vécu des violences basées sur le genre (VBG).
« Par le biais du programme du PNUD, on nous a demandé de proposer des projets et de dire quels métiers apprendre pour les concrétiser. Après une formation de nos membres à divers métiers, l’association a alors commencé à voler de ses propres ailes ». Les compétences acquises ont permis aux femmes de l’association de gagner leur vie. « Nos enfants pourront aussi hériter de ce métier qui les fait déjà vivre aujourd’hui. Avec mes 15 autres amies, nous avons choisi la fabrication de savons. Une cinquantaine d’autres femmes ont choisi la couture, la boulangerie ou l’exploitation d’un moulin et d’une boutique alimentaire ».
Par leur métier ces femmes sont valorisées tant à leurs yeux qu’à ceux de leur entourage dans la société. « Pour la première fois, ici chez nous, on voit des femmes fabriquer et vendre du savon, au lieu de travailler aux champs comme on en a l’habitude. Cela augmente notre force morale, sociale et économique : Les boutiquiers nous font crédit parce qu’ils savent que nous avons une source de revenus et nous sommes fières d’entendre les hommes de notre entourage dire avec envie : « La femme est capable ». Désormais, nous subvenons sans peine aux besoins de nos familles et si besoin nous nous entraidons par des prêts ».
« Je nourris mes enfants et paie leurs études. J’ai oublié le traumatisant problème des uniformes et des cahiers en début d’année scolaire... Grâce à ce projet et au soutien du PNUD que je remercie beaucoup, j’ai été choisie comme présidente de notre association parce que les autres membres me considèrent comme une leader et j’en suis fière ».